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Farès Kessasra. Maître de conférences HDR à l’université de Jijel : «Une sortie de terrain peut résumer un mois de cours théoriques»

-Vous venez d’inaugurer «Les jeudis de l’environnement» en donnant une conférence sur les changements climatiques. Quel est l’apport de ce genre d’activités scientifiques à un cursus universitaire de post-graduation ?

L’approche par conférences est l’un des piliers curriculaires de la philosophie du LMD. Ça étonne plus d’un en Algérie car la version locale du LMD n’apporte pas de particulières attentions aux cycles de conférences et intervenants externes dans le processus d’apprentissage et la formation des étudiants. Mais force est de croire que l’apprenant, à travers ces conférences, développera sa propre idée sur la thématique du changement climatique en affrontant les différentes approches apportées par les intervenants et finira par construire la sienne. Par-dessus tout, «Les Jeudis de l’environnement» de l’université Constantine 3 est un espace qui favorise le débat et l’interaction enseignant-apprenant, les responsables sont au fait des pratiques pédagogiques innovantes qui s’appuient sur l’échange intellectuel. L’apprenant intervient en nourrissant ses idées par des arguments qu’il est appelé à produire pendant la conférence. Nous évaluerons la teneur de l’argument et non pas si l’argument est faux ou vrai. Le «vrai ou faux» dans un processus d’apprentissage ralentit la progression pédagogique. Toute idée à sa part du vrai et sa part du faux, mais dépassons ces frontières caduques et évaluons l’étudiant sur la teneur et la profondeur de sa pensée, sa vision, ses lectures ou son expérience s’il en a une. L’apprenant se sent valorisé et se motivera pour produire une pensée et la défendre ou la débattre.

-Qu’en est-il du contenu de la conférence ?

Le contenu de la conférence est mis en ligne pour les étudiants, accompagnée de polycopiés qui leur permettent de mémoriser leurs connaissances. Il a revisité les notions des limites de croissance, de la décroissance et de l’écodéveloppement et autres issues menées par le Club de Rome dans les années 70. Comment se situe ce réchauffement dans l’histoire globale de la Terre ? La Terre a-t-elle connu de variations climatiques ? La révolution industrielle marquant l’anthropocène est-elle le virage intronisant les forces géologiques dans les études du climat ? Il nourrit la réflexion autour de comment sont perçus les changements climatiques aujourd’hui sur fond d’éléments venant d’un passé lointain.

-De par votre expérience, est-il facile d’organiser et d’effectuer une sortie sur un site industriel ou un pôle agroalimentaire ? Les étudiants repartent-ils toujours satisfaits des informations recueillies ?

Sur la forme, les industriels nous reçoivent aisément sur leurs sites de production. En revanche, sur le fond, nos sorties de terrain restent tributaires du bien vouloir de l’industriel parfois s’écartant de nos objectifs pédagogiques. A l’instar d’une usine agroalimentaire qui, depuis une dizaine d’années, nous recevait sans que l’on puisse visiter sa STEP (Station d’épuration et de traitement des eaux usées), censée recycler ses rejets d’eau avant de les déverser dans la rivière. Les responsables avançaient régulièrement soit une panne soit l’absence d’ingénieurs et l’on déduit facilement que les rejets de l’usine rejoignent la rivière mitoyenne sans traitement aucun. En termes de plus-value pédagogique, une sortie de terrain peut résumer un mois de cours théorique et renforce l’apprentissage.

-Pour valoriser des résultats de recherches, les mastérants et doctorants ont souvent besoin du concours d’autres structures en matière d’équipements. Est-ce une mission facile et existe-t-il une réelle collaboration entre les différentes institutions universitaires ?

C’est un chemin de croix. Le labyrinthe bureaucratique se dresse au premier pas. Un chercheur inexpérimenté ne résistera pas, et même les plus téméraires finissent par jeter l’éponge. Il va sans dire qu’au sein du même établissement universitaire, nos commandes d’achat, d’analyses ou de prestations de service traînent d’un service à un autre et finissent, si ce n’est par l’obligation de refaire un tel devis, d’apporter tel document, par un rejet sans motif aucun. Les responsables sont en désaccord, les lectures des notes et arrêtés de la tutelle foisonnent et le chercheur finit victime des égos administratifs dans un cercle infernal, intellectuellement méprisant. Récemment, la DGRSDT (Direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique) avait mis en service une plate-forme «Ibtikar» pour mutualiser les services et les équipements scientifiques au profit des doctorants et chercheurs.

A la première tentative, le centre de recherche qu’on avait sollicité nous notifiait par e-mail que l’équipement sélectionné est hors service. Si solution devrait être apportée pour faire décoller la recherche algérienne, c’est d’accorder plus d’égard aux laboratoires de recherche. Un directeur de laboratoire en Europe est ordonnateur, en Algérie il est plongé dans une paperasserie et des dizaines de bilans «en papier» à fournir par an. Et devant ce tableau noir, on arrive à publier dans des revues affiliées à Springer et Elsevier, chaque année, n’est-ce pas un paradoxe ?

 

El Watan

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