Cet article situe le caractère stratégique de la lutte contre les changements climatiques et la construction d’une économie circulaire. Il clarifie un certain nombre de concepts-clés à la base de la science économique et climatique. Il explique les enjeux du réchauffement climatique et donne des ordres de grandeur concernant les coûts de la transition écologique. Il présente le nouveau ciblage des outils macroéconomiques en appui d’une transition écologique et explique enfin les raisons derrière l’inertie en matière d’environnement en Algérie en présentant des ordres de grandeur concernant les coûts des dommages écologiques et propose des mesures pour une prise en charge des défis de la transition écologique et de la construction d’une économie circulaire.
Tous les pays dans le monde, dont l’Algérie, sont désormais engagés à des degrés divers dans une transition écologique afin de contenir les dégâts du changement climatique qui devrait ouvrir la voie à la construction d’une économie circulaire.
Le changement climatique est l’un des plus grands défis de ce siècle en raison de son effet de sape des systèmes écologiques dont dépendent l’homme et toutes les autres formes de vie. En effet, le recours aux énergies fossiles engendre des émissions de gaz carbonique, principal gaz à effet de serre qui s’accumule dans l’atmosphère et reste enfermé pendant des centaines d’années.
En conséquence, l’atténuation des impacts du changement climatique est cruciale pour préserver les conditions de la croissance économique et de la vie dans les systèmes terrestres et appelle une incontournable transition écologique vers des énergies propres.
Par ailleurs, la limitation du réchauffement climatique bien en dessous de 2°C à l’horizon 2050 passe par une transformation massive du mode de création de la richesse dans le monde.
Cela implique l’abandon progressif du modèle économique linéaire actuel (basé sur le carbone polluant) en faveur de la mise en place à long terme d’une nouvelle économie circulaire (décarbonisée et utilisant des énergies propres) qui permet de créer de la richesse autrement, en respectant les contraintes de la planète. Deux défis colossaux dont la prise en charge vont exiger :
(1)- des moyens financiers considérables ;
(2)- des changements d’attitude des gouvernements, des entreprises et des citoyens ; et
(3)- la conception de politiques macroéconomiques novatrices axées sur la promotion des investissements et des emplois verts, ce qui suppose une attitude proactive des autorités vu que le levier prix et le recours aux forces du marché ne seront pas suffisants pour combattre le changement climatique (car il impose des coûts et des risques énormes aux générations futures qui subiront les conséquences du changement climatique, sans que ces mêmes coûts et risques ne soient reflétés normalement dans les prix actuels du marché).
A cet effet, un large éventail d’outils de politique macroéconomique et financière est en mesure d’exercer une influence sur le changement climatique à condition qu’il fasse partie d’un ensemble cohérent de mesures d’atténuation.
D’ores et déjà, les expériences internationales montrent que les outils budgétaires sont essentiels et centraux, au même titre que les instruments de politique financière et monétaire et les leviers structurels. Des questions se posent à cet effet, notamment :
(1)- le dosage et la coordination des politiques macroéconomiques pour maximiser leur efficacité et leur nécessaire interaction avec d’autres politiques et objectifs, tels que la stabilisation du cycle économique et la stabilité des prix ; et
(2)- la gestion politique du changement climatique pour atténuer les résistances. Qu’en est-il en Algérie ? La prise de conscience sur les défis écologiques a fortement progressé ces dernières années, mais les choix politiques et des programmes d’action décisifs pour le rétablissement d’un meilleur équilibre écologique tardent à se concrétiser.
L’inertie des autorités dans ce domaine, combinée à d’autres facteurs que nous développerons plus bas, explique le coût élevé des dommages écologiques du pays. Le redressement de l’économie (qui est plongée dans une récession grave) est une occasion unique pour lancer la transition écologique et le chantier de construction d’une nouvelle économie circulaire.
Dans ce contexte, l’Algérie doit se donner les outils institutionnels, techniques juridiques et macroéconomiques nécessaires pour mener à bien cet immense chantier. In fine, la transition écologique nécessite de réaliser des choix stratégiques pertinents.
Le marché à lui seul ne saurait les orienter. Ils doivent en conséquence être pilotés dans le cadre de politiques publiques cohérentes. Si le levier le plus efficace reste l’action sur les prix, l’effet de la transition écologique sur l’emploi est plus difficile à évaluer. Le pays doit agir de façon décisive pour préserver l’environnement.
Clarification de concepts-clés relatifs à l’économie du climat
(1)- L’économie linéaire est la forme prédominante d’organisation du cycle économique à l’heure actuelle. Elle est basée sur un processus horizontal de production, de distribution et de consommation coûteux en énergie, générateur de pollution et de gaspillage et créateur de volumes considérables de déchets (ce qui pose le problème complexe de leur traitement et du recyclage) ;
(2)- L’économie circulaire, qui émergera, par opposition à l’économie linéaire, se définit comme un nouveau système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de la vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire qui ouvre la voie à une préservation de l’environnement et à un meilleur bien-être des populations. L’objectif de l’économie circulaire est donc triple :
(i)- mettre en place des nouveaux modes de production et de consommation moindres en ressources et protéger les écosystèmes qui les génèrent ;
(ii)- optimiser l’utilisation des ressources qui circulent déjà dans nos sociétés en utilisant les produits plus fréquemment ;
(iii)- favoriser une sobriété en carbone, énergie et ressources ;
(iv)- encourager le recyclage et l’approvisionnement en inputs au meilleur coût ; et
(v)- créer de nouvelles activités, notamment dans le secteur de l’écoconception, de la gestion des ressources naturelles et des énergies renouvelables. Toutefois, il est impossible pour la nouvelle économie d’assurer un recyclage de tous les matériaux, notamment certains plastiques ;
(3)- la transition énergétique fait référence à la migration du secteur énergétique mondial de modes de production et de consommation d’énergie fossiles – y compris le pétrole, le gaz naturel et le charbon – vers des modes de production d’énergies renouvelables (vent, solaire, gaz naturel) ;
(4)- le principe cardinal du «pollueur payeur» implique l’actionnement de leviers prix, notamment :
(i)- la taxe carbone : taxe ajoutée au prix de vente de produits ou de services en fonction de la quantité de gaz à effet de serre (gaz carbonique) émis lors de leur utilisation.
La taxe carbone s’applique aux carburants fossiles (essence, gaz, charbon) et à toutes les activités qui en font usage. La taxation se calcule sur la base d’un prix à la tonne de carbone émise ;
(ii)- le prix de la tonne de carbone est un coût appliqué à la pollution par le carbone pour encourager les pollueurs à réduire la quantité de gaz à effet de serre qu’ils émettent dans l’atmosphère.
Un tel prix permet de réduire leurs émissions, encourager les comportements à faible émission de carbone et lever des fonds qui peuvent être utilisés en partie pour financer les efforts de dépollution. La mise en place d’un prix d’une tonne carbone permet de repartir les coûts de la transition écologique entre les générations ; et
(iii)- les mécanismes de détermination du prix d’une tonne carbone : au nombre de deux. Le premier prend la forme d’une taxe carbone sur la distribution, la vente ou l’utilisation de combustibles fossiles, en fonction de leur teneur en carbone. Le second mécanisme est basé sur un système de quotas.
Dans ce cas, les émissions totales admissibles dans un pays ou une région sont fixées à l’avance (donc un plafond). Des permis de polluer sont créés à concurrence d’un montant financier autorisé d’émissions et sont attribués ou vendus aux entreprises par le biais d’enchères. Les entreprises peuvent échanger des permis entre elles, par le biais d’un marché de la pollution.
(5)- Le développement durable. Le développement durable est «un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs», pour reprendre une citation de Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien (1987).
En 1992, le Sommet de la Terre à Rio, tenu sous l’égide des Nations Unies, a officialisé la notion de développement durable et celle des trois piliers (économie/écologie/social) : «Un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable.»
Les enjeux et le coût de la transition énergétique au niveau mondial
Trois points :
(1)- les éléments factuels et la logique de la transition écologique : Les émissions de dioxyde de carbone accumulées dans l’atmosphère ont atteint des niveaux sans précédent en raison des activités humaines à l’origine d’une grande partie de ces émissions.
Les scientifiques prévoient une plus grande détérioration des dérèglements climatiques au cours du 21e siècle, avec des impacts majeurs sur les systèmes naturels et l’activité humaine. Le réchauffement climatique pourrait atteindre probablement 1,5°C entre 2030 et 2052.
Ces hausses des températures, conjuguées à l’élévation du niveau de la mer, l’acidification des océans, le changement des régimes pluviométriques, les inondations, les sécheresses, les vagues de chaleur et les incendies de forêt vont faire reculer la croissance de 23% et réduire les revenus de près de 80% pour certains pays émergents et en développement d’Asie et de l’Afrique sub-saharienne.
Cependant, les effets du changement climatique seront différents (du fait de la géographie et des niveaux de revenu). L’énergie fossile que nous consommons tous les jours produit les trois quarts des émissions mondiales.
Le défi de décarbonisation d’ici 2050 est colossal pour les économies et les sociétés et implique :
(1)- une transformation totale de notre infrastructure énergétique et des investissements dans l’électricité propre de 380 milliards de dollars à 1600 milliards de dollars à l’horizon 2030 ;
(2)- une coopération globale pour compléter les approches nationales ;
(3)- des mécanismes d’appui aux économies émergentes et en développement afin qu’elles aient un accès rapide au savoir-faire, au financement et aux technologies pour fournir une énergie propre et fiable à tous leurs citoyens ;
(4)- des efforts mondiaux plus importants pour stimuler l’innovation et le déploiement de nouvelles technologies ;
(5)- une approche globale des défis de sécurité énergétique que ces nouvelles technologies posent (approvisionnement suffisant en minéraux critiques, recours plus marqué à de plus grandes quantités d’énergie éolienne et solaire dans l’approvisionnement en électricité ;
(6)- des systèmes fiables et indépendants de suivi des progrès mutuels ; et
(7)- une intervention de la puissance publique pour renforcer l’action sur les prix et les coûts, un levier efficace pour «corriger» les prix de marché, soit au moyen d’une taxe, soit en créant des «droits d’émission» et en autorisant l’ouverture d’un marché permettant d’échanger ces droits (qui ont alors un prix) ;
(2)- le coût financier de la transition écologique : le montant à investir dans une nouvelle capacité électrique à l’échelle mondiale au cours des trois prochaines décennies est estimé à environ 15000 milliards de dollars (Institut Montaigne). Les 4/5 de ce montant seront affectés à la mise en place des énergies renouvelables et l’expansion des systèmes éoliens, solaires et associés. La transition énergétique sera sans conteste coûteuse.
Par ailleurs, la mise à niveau du réseau exigera entre 2020 et 2050 des investissements additionnels d’un montant de 14 000 milliards de dollars.
La mise en place de ces nouvelles énergies (éolienne et solaire) va booster la demande en métaux et autres minéraux qui entrent dans la production des composants essentiels des installations (argent et autres minéraux), entraînant une expansion minière substantielle, ajoutant des coûts économiques, sociaux et environnementaux à la transition ; et
(3)- L’impact de la transition écologique sur l’emploi : en entraînant une transformation profonde des modes de production et de consommation, la transition écologique déclenche des destructions d’emplois au niveau des secteurs faisant face à l’obsolescence de la technologie qu’ils utilisent ou à des coûts élevés en raison du nouveau système de prix relatifs.
Les secteurs concernés sont ceux centrés sur l’extraction minière, la production et la distribution d’énergies fossiles, les transports et la production d’électricité d’origine nucléaire.
A contrario, de nouveaux emplois vont émerger, notamment dans la production d’énergies renouvelables, le bâtiment (en vue d’améliorer les performances énergétiques des logements et des locaux à usage professionnel), le recyclage des matériaux et la valorisation des déchets. In fine, le défi climatique est un défi énergétique et le climat est devenu une affaire de gestion des risques.
Les nouveaux outils macroéconomiques appuyant la transition écologique
Trois points :
(1)- la nécessité d’une action sur les prix et les quantités : La transition écologique est porteuse de changements considérables concernant les nouvelles technologies et pratiques, les comportements des consommateurs, la production et l’utilisation des terres, les processus agricoles et l’innovation axée sur le climat. Ce qui implique des actions publiques sur les prix, les volumes, les marchés, les investissements massifs dans les infrastructures et les bâtiments et la recherche et le développement. Dans ce contexte, la gestion macroéconomique s’est adaptée pour influencer toutes ces variables clés du processus de transition écologique ; et
(2) les options à cibler pour appuyer les mesures de transition écologique : (i) pour ce qui est de la politique budgétaire, les options tournent autour de la tarification du carbone (explicite et implicite), les dépenses d’investissements et les garanties publiques ; (ii) pour la politique financière, les options serviront à appuyer la transformation nécessaire de la structure productive de l’économie par le biais d’un changement de la structure des actifs financiers sous-jacents ; et (iii) pour la politique monétaire, les options sont de refléter les risques climatiques dans les programmes d’achat d’actifs à grande échelle, les cadres de garantie, la conduite des opérations d’assouplissement quantitatifs, les politiques d’allocation de crédit et l’adaptation des cadres de politique monétaire.
Une nouvelle politique climatique
Sur la base des travaux de nombreux experts, il ressort ce qui suit :
(1)- La politique budgétaire visera à faciliter :
(i)- la taxation du carbone pour refléter les coûts environnementaux des émissions de carbone, y compris le changement climatique, mais aussi la pollution atmosphérique locale, les embouteillages, les accidents et les dommages occasionnés aux routes ;
(ii)- l’octroi de subventions pour les mesures d’atténuation, les investissements à faible émission de carbone, les bonifications d’intérêt, les remises de frais et les allégements fiscaux ;
(iv)- les investissements publics, les prêts concessionnels des banques de développement et les fonds publics d’investissement ;
(v)- l’octroi des garanties publiques pour une plus grande participation du secteur privé au financement public (amélioration de l’efficacité énergétique, production d’énergie renouvelable), Le secteur public sera centré sur les réseaux de transport public, l’expansion du réseau électrique vers les sites d’énergies renouvelables, les infrastructures de captage et de stockage du carbone) ;
(2)- La politique financière devra être en mesure d’influencer le comportement des marchés financiers et des institutions financières pour mobiliser les investissements privés. Plus précisément, elle doit :
(i)- veiller à corriger une éventuelle sous-tarification et le manque de transparence des risques climatiques sur les marchés financiers et les cadres prudentiels réglementaires ;
(ii)- aider à réduire les biais à court terme et à améliorer les cadres de gouvernance des institutions financières ; et
(iii)- soutenir le développement de marchés d’instruments financiers verts ;
(3)- La politique monétaire : habituellement éloignée de la transition écologique, elle est généralement mise en œuvre pour des objectifs de stabilisation.
Elle a toutefois évolué ces dernières années en raison des effets du changement climatique sur la fréquence et l’amplitude des chocs des prix, sur les cycles économiques et la volatilité des marchés.
Il a été établi que des températures plus élevées peuvent ralentir la croissance dans différents secteurs tandis que les dépenses consacrées à la résilience au changement climatique peuvent entraver l’accumulation de capital productif.
Ces facteurs peuvent, à leur tour peser sur les écarts de crédit, l’épargne de précaution, les taux d’intérêt réels et l’instabilité financière, des facteurs affectant les pressions inflationnistes auxquelles la politique monétaire répond ; et
(4)- les politiques structurelles portant sur :
(i)- les normes : en matière d’émissions réglementaires pour faire baisser les prix explicites du carbone ;
(ii)- la politique industrielle : pour faciliter un changement technologique à faible émission de carbone ;
(iii)- diverses mesures concernant les codes du bâtiment, l’utilisation des terres et les politiques technologiques pour entraîner une réduction significative des émissions tout en permettant un prix du carbone considérablement plus bas ;
(iv)- une coordination entre l’Accord de Paris et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour lier ouverture commerciale et objectifs de réduction des émissions.
Pour les questions de financement, les banques de développement pourraient jouer un rôle important dans le processus de la transition écologique. Dernier point, le besoin de coordination des politiques est amplifié par la nature et l’ampleur sans précédent du défi climatique.
Pour ce qui est de l’Algérie, l’environnement pose des défis qui sont insuffisamment pris en charge et les dégâts sont considérables
Deux facteurs importants :
(1)- la domination du secteur pétrole (secteur polluant par excellence) dans la structure de l’économie nationale : représentant 1/3 du PIB, 65 % des recettes fiscales et 98 % des exportations. De plus, la production et la consommation d’énergie, y compris dans le secteur de l’électricité, sont tirées des hydrocarbures à plus de 99 %.
Cette domination pose des risques macroéconomiques majeurs (du fait de la volatilité des prix du pétrole qui compromet la viabilité du modèle économique en empêchant tout effort de diversification des sources de la croissance) et des risques environnementaux (vu le caractère polluant de l’énergie fossile) ; et
(2)- La prise en charge des défis écologiques dans le contexte des politiques publiques a été lente à se matérialiser en Algérie. En témoigne la faiblesse des allocations budgétaires au département ministériel en charge de ces questions (0,05 % du total des dépenses courantes de l’Etat).
Un grand nombre de raisons expliquent cet état de fait, dont l’absence d’ambition dans le domaine écologique, la résistance à la diversification énergétique et la focalisation du pays sur d’autres priorités économiques et sécuritaires. En conséquence de tous ces développements, les dégâts causés par le réchauffement climatique et la non préservation de l’environnement sont considérables.
Les travaux détaillés des experts algériens estiment le coût global de ces dégâts à 12 milliards de dollars en 2015, soit 6,9% du PIB, dont 1,5% du PIB pour les dommages dus au climat, 1,5% du PIB pour la pollution de l’air, 1,4% du PIB pour ce qui concerne les inefficiences énergétiques, 1,2% du PIB pour la pollution de l’eau, 0,9% du PIB pour ce qui est des dommages engendrés par les déchets, 0,2% du PIB pour les dommages des sols, 0,1% du PIB pour les forêts et 0,1% du PIB pour le littoral. Les experts algériens estiment, en outre, les coûts de remédiation de ces dégâts à environ 3,7 milliards de dollars/an.
Par ailleurs, l’Algérie produit environ 38 millions de tonnes de déchets/an recyclés à près de 50%. Le volume de ces déchets devrait croître rapidement pour atteindre environ 70 millions de tonnes à l’horizon 2035.
De nouvelles formes d’énergie propres doivent prendre le relais du pétrole polluant pour sauvegarder l’environnement et reconstruire une économie hors hydrocarbures dans le contexte d’une stratégie de développement durable à long terme
A l’instar de nombreux pays producteurs de pétrole, le défi pour l’Algérie est de trouver un équilibre entre l’instabilité mondiale des marchés des énergies fossiles et l’impératif de protection de l’environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cet équilibre implique une révision des stratégies énergétiques (en faveur des énergies renouvelables).
Les arguments (d’ordre domestique et externe) en faveur de ce tournant stratégique sont nombreux. Pour ce qui est des facteurs domestiques, notons ce qui suit :
(1)- L’Algérie est à la croisée des chemins. Face aux chocs pétroliers répétés et la pandémie, l’économie est en récession avec des déficits considérables qui prendront des années à résorber et placeront des contraintes sur la voie du retour à la croissance. En même temps, cela donne une opportunité d’enclencher une dynamique de réformes ambitieuses incontournables sur les plans économique et climatique ;
(2)- Le modèle économique actuel basé sur la redistribution de la rente pétrolière est insoutenable : comme le montrent les chocs pétroliers à répétition qui déstabilisent l’économie du pays, laissent très peu de temps à la mise en place des politiques de redressement et appauvrissent les populations ; et
(3)- Les perspectives défavorables du secteur des hydrocarbures à moyen terme sur les doubles plans de l’exportation (vu la montée de la consommation domestique du fait de la politique généreuse et inadéquatement ciblée des subventions) et de la production (en l’absence de découvertes de nouveaux puits).
Le secteur a entamé une trajectoire de déclin accentuée par les chocs sanitaire et pétrolier de mars 2020 et les mesures prises pour accroître la récupération doivent servir à appuyer une transition écologique. Sur le plan extérieur, soulignons :
(1)- les perspectives du secteur pétrolier mondial sont défavorables : en raison des déséquilibres structurels pesant sur l’offre et la demande du fait des vagues successives de contamination par la Covid-19 ; et
(2)- Le monde a entamé un processus de décarbonisation : pour combattre le réchauffement climatique, abandonner progressivement les énergies fossiles et diversifier le mix énergétique en faveur de l’énergie électrique (d’ici 2050, 40% de la production mondiale d’électricité sera d’origine renouvelable). Il est indispensable pour l’Algérie d’épouser cette tendance pour survivre.
Les atouts pour ancrer le lancement de la transition écologique
(1)- Nonobstant la faible traduction en politiques publiques des défis environnementaux, l’Algérie s’est toutefois dotée, dès le début des années 1980, d’une infrastructure institutionnelle (quoique contrainte par des périmètres d’intervention limités) et juridique (aujourd’hui obsolète) et a conduit un énorme travail de qualité sur le plan technique ; et
(2)- une ébauche de diversification du mix énergétique, dont :
(i)- le gaz naturel qui place le pays au 10e rang des producteurs et au 7e rang des exportateurs ;
(ii)- énergies renouvelables dont l’éolienne (0,05%) et le solaire (0,8%), quoi que la part soit minime ;
(iii)- le nucléaire avec 2 réacteurs et un projet énergie hydraulique ; et
(3)- un plan national d’action environnemental et de développement durable couvrant la période 2020-2024. Ce plan ambitieux (et de qualité) a été bâti de façon cohérente sur l’hypothèse d’un volume d’investissements annuels de $3,7 milliards consacrés à l’économie circulaire et verte, la santé et la qualité de la vie, la sécurité alimentaire durable, la préservation et la mise en valeur responsable du capital naturel, la résilience face à la diversification, la résilience face aux changements climatiques et la gouvernance. Le financement de ce plan reste à affiner.
Les compléments de mesures correctives. Ceci implique que les autorités :
(1)- fassent preuve d’ambition afin d’intégrer désormais la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique de façon inéquivoque dans une stratégie à long terme de développement durable ;
(2)- se donnent les outils nécessaires pour relever les défis, dont :
(i)- adoptent officiellement une stratégie nationale environnementale et de développement durable qui reposera sur la transition écologique mais aussi sur les transitions énergétique et écocitoyenne ;
(ii)- un cadre institutionnel rénové autour duquel sera articulée de façon cohérente la gestion des questions liées à l’environnement (déchets, recyclage, pollution, etc.) ;
(iii)- un cadre juridique actualisé pour lutter contre les changements climatiques ; et
(iv)- un cadre budgétaire précis vu le contexte de crise aigüe. Mais ce qui est important, c’est la mise en place d’outils macroéconomiques nouveaux pour traduire dans les faits des objectifs précis devant assurer avec efficience l’objectif de transition écologiste et de construction d’une économie circulaire.