Tous s’accordent à dire que le modèle économique basé sur la production de richesse par la destruction des ressources avec une surproduction de déchets a montré ses limites. Un modèle s’impose : l’économie circulaire avec le tri et le recyclage. Le 15 novembre était la Journée mondiale du recyclage, faisons alors le point sur l’état les lieux en Algérie en donnant la parole aux acteurs principaux.
Le directeur générale de l’Agence nationale des déchets (AND) n’est pas trop pessimiste même si le marché exige aujourd’hui de basculer notre économie de plus en plus vers l’économie circulaire, essentiellement basée sur le recyclage.
Karim Ouamane ne trace certainement pas de tableau noir, mais il évoque en même temps les défaillances faisant que le secteur de recyclage n’ait pas encore atteint ses objectifs. Il affirme d’abord que les déchets recyclables ne sont pas forcément valorisés.
C’est à ce titre qu’on parle de gisement captable au lieu du gisement disponible. Chiffre clé : le non-recyclage des déchets a fait perdre à l’Algérie un montant financier de 38 milliards de DA, selon les données datant de 2017. Mais, le DG de l’AND a son explication. «Cette somme représentait plutôt la valeur marchande du gisement disponible. Donc, la perte intrinsèque devrait être calculée sur la base du gisement captable. Je rajouterai qu’en 2019, la valeur marchande du gisement valorisé à avoisiné les 56 milliards de dinars.»
Karim Ouamane qui insiste sur le fait que les activités de récupération et de recyclage des déchets sont, pour le ministère de l’Environnement, un axe majeur dans le cadre de sa stratégie, dictée par des impératifs environnementaux, économiques et sociaux, précise aussi que les déchets à fort potentiel valorisable sont soustraient soit des flux ménagers soit du secteur d’activité.
Avant d’arriver à l’étape de recyclage, la collecte et le tri de déchets doivent être soumises à des processus hautement organisés, structurés et surtout coordonnés. Une étape très critiquée par plusieurs acteurs sur le terrain, comme les recycleurs. Techniquement, ces flux sont collectés et évacués soit vers les centres d’enfouissement technique, soit vers les décharges brutes. Les récupérateurs installés puisent le flux désirable depuis les installations de traitement ou directement à la source (ménages, commerces…).
A cela s’ajoute les récupérateurs informels qui récupèrent les déchets des points de regroupement ou à même des décharges brutes. Statistiquement, la production des déchets ménagers en Algérie en 2019 a été estimée à une quantité de 13.1 millions de tonnes. Un fort potentiel. Qu’avons-nous fait ? Dans un récent travail réalisé par l’AND, le taux de recyclage pour le flux des déchets ménagers a été estimé à 9,83%. «Cet indicateur est en relation directe avec les activités de valorisation de la fraction emballages contenue dans les déchets ménagers», explique le DG de l’AND. Les activités de récupération et de recyclage ne se limitent pas uniquement aux déchets ménagers, mais à d’autres flux, notamment les huiles et batteries usagées ainsi que les déchets d’équipements électriques et électroniques.
D’ailleurs, un petit rappel : les statistiques communiquées en février dernier par l’ancien directeur de l’environnement démontrent que seuls 5 à 7% des déchets urbains sont recyclés, tandis que le recyclage des déchets en plastique ne dépasse pas 1%. Au total, en 2019, 14 milliards de tonnes de déchets sont générés, dont 54% sont organiques. Notons aussi que c’était le représentant du ministère de l’Environnement qui affirmait que les objectifs de la politique de reprise du recyclage n’ont jamais été atteints. Pour quelles raisons ? «Absence d’une vision globale et perspectives de l’économie circulaire», disait le même responsable, d’où le lancement de plusieurs partenariats pour mieux booster cette filière.
A titre d’exemple, le ministère avance le chiffre de 180 000 tonnes d’huiles usagées, (une filière émergente) sont générées annuellement pour seulement une capacité de collecte de 50 000 tonnes/an. Il existe pour cette filière seulement 39 collecteurs agréés. Karim Ouamane, rappelle dans ce sens l’existence d’une activité informelle. Elle est, selon lui, «très intense et qui échappe à tous nos calculs, sauf à travers des estimations qui permettent de disposer d’une tendance plutôt qu’un indicateur fiable».
Les activités informelles sont bien présentes, intenses et sont à l’origine de l’essentiel des quantités de déchets récupérés, affirme t-il et d’ajouter : «Ce qui pose problème en fait par rapport à ce segment de récupérateurs est l’absence totale en termes de traçabilité car il y va de la santé humaine.» Mais surtout pas question de s’y opposer.
A ne pas éradiquer mais à réintégrer dans le circuit formel. La politique du ministère vise plutôt la mise en place des mécanismes adéquats pour faire remonter en surface et faire adhérer à l’effort national de la gestion des déchets ce «partenaire informel».
Les axes majeurs pour venir à bout de cette problématique seraient, de l’avis du responsable de l’AND, «la normalisation des process et des produits, la régulation et le monitoring pour les aspects de traçabilité». Concrètement, à combien s’élève le marché national des déchets ? Dans la masse de déchet produite, il faudra nuancer entre le gisement disponible et le gisement captable.
Les derniers travaux de caractérisation des déchets ménagers réalisés par l’AND indiquent que le gisement disponible en matière de papier/carton, de plastique, de métaux ferreux et non ferreux, de bois et de verre est de l’ordre de 32%. En 2019, sa valeur marchande a été estimée à 92 milliards de dinars. Quant aux déchets spéciaux et spéciaux dangereux, notamment les pneus usagés, huiles moteurs usagées et les batteries à plomb usagées, la valeur marchande est estimée à 20 milliards de dinars par an, selon Karim Ouamane.