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PARC NATIONAL DE GOURAYA :Une réserve de biosphère en péril

Cet espace protégé est chaque année ravagé par les flammes. Les incendies ne sont pas les seuls facteurs de sa dégradation. La convoitise de son patrimoine foncier constitue une sérieuse menace.

Considéré comme l’une des plus riches réserves naturelles d’Algérie, le Parc national de Gouraya (PNG), qui surplombe la baie béjaouie, fait face ces dernières années à de multiples atteintes et menaces qui risquent de le dénaturer et de lui faire perdre son statut d’aire protégée.

S’étendant sur une superficie de 2 080 ha, le PNG a été créé en 1984 et a été classé réserve de biosphère par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) en 2004. Son point culminant, estimé à 672 m d’altitude, est constitué du fort de Gouraya dont la vue domine l’étendue de toute la capitale des Hammadites et la grande bleue.

Cette aire protégée, qui renferme des richesses naturelles, archéologiques et historiques incommensurables, recèle des opportunités de développement socioéconomique considérables qui respectent l’environnement. Plusieurs sites féeriques, notamment le pic des Singes, le fort de Gouraya, cap Carbon, les merveilleuses falaises de cap Bouak et des Aiguades…, constituent des atouts exceptionnels susceptibles d’ouvrir de larges perspectives de développement, notamment l’écotourisme. Les paysages splendides de ce parc et ses sites historiques font de lui une destination privilégiée des visiteurs de la ville de Béjaïa.

Selon les statistiques officielles, quelque 1,2 million de personnes découvrent chaque année une beauté à couper le souffle, en visitant les sites pittoresques du PNG, notamment en période estivale. Néanmoins, hormis des visites guidées au niveau de ses quatre musées et son lac Mézaïa, ainsi que des randonnées pédestres initiées par des associations locales, ces sites paradisiaques, mal entretenus, ressemblent à des champs en jachère. En effet, beaucoup reste à faire en matière d’investissement dans le domaine touristique.

Une biodiversité en danger
Cet espace dédié à la protection de la nature recèle en son sein un patrimoine faunistique et floristique aussi riche que varié. L’inventaire du PNG fait état de pas moins de 1 709 espèces de faune et de flore, dont 30 espèces de mammifères, 135 espèces d’oiseaux, 9 espèces de reptiles, 3 espèces d’amphibiens, 5 espèces de myriapodes, 11 espèces de mollusques, 543 espèces de poissons et zooplancton, 420 espèces d’invertébrés. Parmi les espèces les plus en vue, on peut citer le singe magot, le macaque berbère, le sanglier, le porc-épic, le lynx caracal, le chat sauvage, le chacal doré, le vautour fauve, l’aigle royal, le hibou grand-duc… En plus de cette faune, cette réserve naturelle se distingue également par ses variétés végétales, dont une dizaine d’espèces floristiques endémiques.

À noter que les potentialités naturelles de cet espace protégé ne cessent d’attirer de nombreux chercheurs universitaires nationaux et étrangers qui viennent découvrir sa biodiversité et explorer ses richesses sous-jacentes.
Cependant, le parc est peu exploré par les chercheurs, même si certaines études ont déjà été menées, notamment en histoire, en archéologie et sur sa faune et sa flore. En plus du peu d’intérêt scientifique, le PNG semble abandonné au point d’attiser l’appétit de toutes sortes de prédateurs tentés d’accaparer cette poche foncière.

 

Contraintes et menaces multiples

Selon le directeur du PNG, Moussa Haddad, beaucoup de contraintes et de menaces pèsent sur les écosystèmes terrestres et marins. À commencer par les problèmes hérités de l’époque antérieure à 1984, date de création du PNG, parmi lesquels il cite les trois carrières d’agrégats, la station d’enrobage de la Société nationale des travaux publics (SNTP), la décharge publique à ciel ouvert située sur la route de Boulimat et les nombreuses constructions illicites en dur, toutes implantées dans le périmètre du parc. Bien que la bataille juridico-administrative engagée par les responsables du PNG ait permis de déloger deux carrières et la station d’enrobage de la SNTP, il n’en demeure pas moins que le combat contre les pollueurs et les squatteurs reste encore long.

Outre la dégradation de l’environnement, le phénomène de spoliation foncière ne cesse de prendre de l’ampleur ces dernières années. Selon M. Haddad, des centaines de personnes, auteurs d’infractions liées au défrichement et au terrassement de terrains relevant du domaine forestier appartenant au parc, ont été verbalisées. “Grâce au concours des services de la Gendarmerie nationale de Béjaïa, nous avons réussi à freiner l’hémorragie. Plusieurs engins mécaniques ont été saisis et mis à la fourrière en cette période de confinement, alors que leurs propriétaires ont fait l’objet d’actions en justice.

Nous sommes en train de mener une guerre sans merci contre toute forme d’agression que subit notre espace protégé”, explique notre interlocuteur.
Les feux de forêt sont une autre contrainte majeure qui, selon M. Haddad, menace sérieusement le patrimoine forestier et les écosystèmes terrestres. Des dizaines d’hectares de couvert végétal sont dévorés par les flammes chaque année. Malheureusement, l’être humain est souvent à l’origine de ces incendies dévastateurs.

Le premier responsable du PNG pointe du doigt les citoyens qui aggravent le risque d’incendie de forêt en procédant à des opérations de défrichement en plein été et ceux qui se permettent de faire des barbecues en plein air, dans le périmètre du parc. “On doit interdire les campings en période estivale”, estime-t-il. À cela s’ajoute, soutient-il, le phénomène du réchauffement climatique qui menace aussi la biodiversité.

Notons que la dégradation continuelle des écosystèmes et les incessantes atteintes que subit le domaine forestier risquent de coûter cher à cette réserve naturelle. “À ce rythme, le PNG risque de perdre son classement mondial (Unesco), eu égard à la multiplication des atteintes et autres menaces qui pèsent sur cette aire protégée”, déplore M. Haddad. Par ailleurs, notre interlocuteur soulève la contrainte financière et le manque de moyens humains dont souffre son organisme.

Selon lui, l’effectif actuel, estimé à 53 employés, est vraiment insuffisant pour pouvoir mener à bien les missions assignées à cet établissement public à caractère administratif (EPA). Les coupes budgétaires que connaît le PNG depuis quelques années a contraint sa direction à surseoir à certains projets non moins importants, tels que l’actualisation des inventaires faunistiques et floristiques, l’élaboration du schéma directeur du parc… Pour rappel, les missions principales du PNG sont la conservation de la biodiversité (espèces animales et végétales), la protection de l’environnement, la sensibilisation, l’écodéveloppement, la valorisation des richesses naturelles, la promotion de l’écosystème et l’encouragement de la recherche scientifique.

Cela dit, M. Haddad estime qu’“on ne peut pas connaître le terrain et maîtriser la situation sans l’implication des citoyens, notamment des riverains”. À ce titre, la direction du PNG n’a pas lésiné sur les moyens pour mener de larges campagnes de sensibilisation au profit des citoyens, en ciblant particulièrement les visiteurs et les habitués des lieux. Outre les tableaux d’affichage, les dépliants et autres prospectus, les équipes du PNG font aussi dans la pédagogie en ouvrant leurs portes aux élèves dans le cadre de sorties scolaires organisées par les écoles de différentes régions.

Afin de permettre une meilleure gestion de ces aires protégées, le directeur du PNG plaide pour une réglementation plus rigoureuse. Il propose, à cet effet, un projet de loi visant à limiter l’accès et la circulation dans le périmètre des parcs nationaux. M. Haddad déplore qu’un nombre impressionnant de motocycles afflue à longueur de journée vers les sites du PNG. Ce qui provoque beaucoup de désagréments pour les populations fauniques.

“En dépit de l’existence d’un arrêté du wali interdisant l’accès des motos aux sentiers pédestres (Cap Carbon et Aiguades), le problème demeure cependant entier”, regrette-t-il. Selon notre interlocuteur, le confinement sanitaire imposé par la pandémie de Covid-19 a tout de même un impact positif sur les réserves biosphères. “On a remarqué que nos écosystèmes sont en nette augmentation, dès lors qu’il y a moins de pollution et de nuisances sonores, en raison de la baisse de la circulation durant cette période de confinement sanitaire”, a-t-il soutenu.

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