-Vous êtes la présidente d’une fondation fraîchement créée pour l’environnement et l’écologie. Parlez-nous de Synergia. C’est ainsi que vous avez préféré la baptiser…
La fondation est fraîchement créée pour apporter une dynamique et une synergie des compétences algériennes en action. Cette ONG algérienne est née afin de développer un écosystème d’actes et d’idées, où cohabitent et interagissent plusieurs visions à la fois différentes mais tout aussi complémentaires qui mettent l’environnement au cœur de toute action et réflexion. Synergia cultive ainsi dans toutes ses réflexions et activités l’esprit d’une synergie de compétences d’un équilibre résilient, entre environnement, société et économie.
Cette dynamique s’articule autour d’une éthique biologique où le respect et la dignité de la vie, sous toutes ses formes, sont une valeur centrale pour tout développement durable et soutenable. Nos objectifs convergent tous vers notre volonté de voir émerger pour ce XXIe siècle une modernité algérienne écologique, profondément endémique, résolument prospère et solidaire mais aussi naturellement ouverte sur le monde.
Etre une nation en équilibre avec son passé, son présent et ouverte à sont futur, afin de bâtir une économie forte et durable dans le respect de l’environnement et de la dignité humaine, l’innovation, le partage, la solidarité et le dialogue sont nos valeurs pour une Algérie nouvelle.
-Le Maghreb demeure la région la plus touchée par les bouleversements climatiques. Mais c’est aussi la région où nous constatons moins de démarches pour y faire face. Qu’apportez-vous dans ce sens ?
Des changements climatiques importants affectent la région Maghreb (Algérie, Tunisie et Maroc) un vaste espace de 3 254 000 km2, et écologiquement vulnérable. L’environnement y est déjà dégradé au point de pénaliser le bien-être des populations et le développement économique. L’accroissement démographique et le changement climatique au cours de ce siècle risqueraient encore d’aggraver la situation. Avec des risques importants de rareté des ressources hydriques et une diminution alarmante de la biodiversité, cette région doit prendre au sérieux cette menace climatique et écologique.
Pour cela, Synergia a mis en place un conseil scientifique national et international qui réunit des docteurs, des chercheurs et des sommité dans différents domaines touchant essentiellement à l’écologie, l’environnement, le développement durable, l’économie, la gestion des ressources hydriques, la pollution et le changement climatique, des sociologues, des biologistes et la liste est ouverte, ce panel de chercheurs nous permettra un plus grand partage des idées et des solutions sachant que l’environnement est un problème planétaire et donc la vision doit être globale non cloisonnée, cela nous permettra d’évaluer les effets du changement climatique sur l’Algérie, la région maghrébine, l’Afrique et le monde. Cela permettra également la réalisation de projets avec des pays voisins et une plus grande sensibilisation à la protection de l’environnement.
-Vous proposez dans votre nouveau guide élaboré à l’occasion de la création de cette fondation de contrôler les installations chimiques industrielles et interdire le déversement des rejets chimiques dangereux dans la nature (oueds, mer, champs agricoles…). Avez-vous établi un état des lieux ?
La fondation Synergia n’a pas pour vocation d’interdire ou d’autoriser toute actions concernant l’environnement, la Fondation fait parti de la société civile et se voit comme une force de proposition et de solutions. Effectivement, la pollution chimique et le déversement des produits dangereux polluent nos sols, nos réserves d’eau et détruit notre système biologique à petit feu, cette problématique met en péril nos précieuses ressources hydriques. Un constat alarmant de plus de 6000 unités industrielles classées parmi les entreprises «potentiellement pollueuses» de l’environnement et des oueds, dont 1673 installations qui déversaient des rejets liquides polluants, ayant été recensées à travers 35 wilayas (Sources APS 16 juin 2020). La pollution plastique également fait des dégâts sur terre mais aussi dans la méditerranée, avec une consommation grandissante d’emballage plastique qui se dégrade en microplastique ingérée par les poissons et donc par l’homme. Cela dit, aucune solution n’est efficace sans un état des lieux au préalable, et dans cette optique Synergia travaille actuellement sur cela, pour pouvoir mettre en place des propositions idoines.
-Et puis vous souhaitez aussi la conception d’une cartographie écologique nationale pour répertorier les richesses faunistiques et floristiques. Une absence qui rend le travail des écologistes difficile…
La conservation et la gestion du patrimoine naturel constituent pour nous une priorité mais aussi pour les gestionnaires de l’environnement, nous appelons à la création d’un centre de traitement des données et qui sera chargé de l’inventaire normalisé du patrimoine naturel algérien (faune et flore).
D’exporter des cartes au format PDF (utile pour la recherche scientifique), et d’accéder aux métadonnées. Selon notre vice-président, chargé de la communication, Lotfi Mokrani, l’élaboration d’une cartographie écologique nationale demeure une nécessité dans le processus et le champ d’intervention de la fondation Synergia, cela permet à la fois d’identifier le réseau écologique dans sa dimension spatiale et la richesse de la biodiversité de l’écosystème du sol algérien dans une dimension territoriale (urbaine, montagnarde, terrestre, saharienne, etc.). L’élaboration de ce travail nécessite une large contribution de la part géographes, biologistes, pédologues, aménagistes, etc. Afin de retracer les esquisses et renforcer les pistes de recherches dans ce sens. En effet, l’intérêt des spécialistes doit être poussé par les différents organismes écologiques et environnementaux à l’instar des tutelles, universités, parcs nationaux, conservation de forêts, associations, etc.
-Vous avez aussi fait un plaidoyer pour sensibiliser le public aux énergies renouvelables grâce à la société civile, une meilleure stratégie de diffusion de l’information et de la communication. Vous vous attaquez là à une faille énorme. Comment comptez-vous procéder ?
Contribuer à bâtir ensemble un avenir durablement résilient pour tous, voici la mission de la fondation Synergia. Pour y parvenir, la sensibilisation et l’engagement du plus grand nombre d’Algériens et d’Algériennes pour la protection de l’environnement sont indispensables. Sensibiliser à l’environnement, c’est essentiel, c’est amener chacun et chacune à se questionner sur les challenges écologiques, économiques, sociaux et culturels auxquels nous faisons face. La cohésion entre tous ces axes est déterminante pour notre avenir. Protéger la faune et la flore, c’est aussi garantir des moyens de subsistance, les droits fondamentaux, mais aussi l’histoire et les coutumes des femmes et des hommes et ainsi sauvegarder l’espèce humaine. Une mission qui semble difficile, mais à mon avis je pense que l’Algérien a un amour profond et ancré à sa terre et qu’il sera sans doute à la hauteur des réflexions et des actions réfléchies et appliquées pour lui et avec lui.
-L’un de vos chevaux de bataille est la promotion d’une économie verte et circulaire, économe en ressources, sobre en carbone est résiliente au climat. En Algérie, le taux de déchets organiques est entre 60 et 65%… si cette économie venait à voir réellement le jour, nous gagnerons certainement une bataille…
Le développement durable passe sans doute par le développement des énergies renouvelables et donc permettre à l’Algérie de réaliser un mix énergétique diversifier digne de sa grandeur. Dans nos propositions sur le développement des énergies renouvelables, nous avons mis l’accent sur trois types d’énergie à très fort potentiels pour l’Algérie, faisant partie des leviers essentiels de la transition écologique. L’énergie solaire, qui est sans doute une de nos ressources les plus connues, la plus intéressante, durable, est abordable.
La géothermie méconnue et inexploitée dans notre pays est extraite à partir de la chaleur des nappes aquifères profondes pour produire de l’électricité ou fournir de la chaleur. C’est une énergie écologique, renouvelable, économique et surtout sans risque pour la santé humaine. Grâce à cette énergie nous pouvons également produire du froid, notamment dans le grand Sud algérien grâce au géocooling, une technologie relativement récente.
On a opté également pour la biomasse, et donc la gestion de nos déchets sera la première étape. Grâce à une poubelle riche qui contient environ 60% de déchets organiques, putrescibles et donc biodégradables, et environ 40% de déchets solides, donc recyclables et réutilisables.
Nos déchets organiques peuvent générer de l’énergie grâce à la méthanisation, à la pyrolyse ou régénération, grâce au compostage et donc possibilité de recycler 60% de nos déchets à partir de la 3e année de mise en place de ce plan. Le reste des déchets solides peuvent être triés au niveau des différents centres de tri, et réutilisés ou recyclés, les déchets ultimes uniquement partiront au centre d’enfouissement techniques.