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Messaoud Khelif, chercheur au Centre de développement des énergies renouvelables (CDER) : « Le cahier des charges de la CREG contient trop de contraintes techniques »

L’appel d’offres lancé par la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG) pour la réalisation de centrales électriques photovoltaïques de 150 Mégawatts est en train de tourner carrément à l’échec. C’est du moins ce que peut traduire la séance de soumissions financières, tenue lundi dernier, et au terme de laquelle une seule offre a été jugée recevable sur les cinq retenues. Comment peut-on expliquer cela ?


Messaoud Khelif : L’échec se situe au niveau technique avant tout. Le photovoltaïque est un domaine nouveau pour l’investisseur algérien. Ce dernier, pour qu’il puisse savoir où il va et adopter une position raisonnable, doit avoir en face de lui un cahier des charges au contenu clair et incitatif. Or, le cahier des charges élaboré par la CREG compte trop de contraintes. Laissez-moi rappeler que dans le cas précis de réalisation des centrales voltaïques de 150MWc, l’appel d’offres a été lancé en novembre 2018, et que la première opération de soumissions devait se dérouler dans les quatre mois qui suivaient. Or, cette échéance a été repoussée à plusieurs reprises pour n’avoir lieu qu’au mois de juin 2019. Entre-temps, les reports avait permis d’apporter plusieurs modifications au cahier des charges, liées notamment aux contraintes techniques. Sauf que ces modifications ont rendu encore plus difficile la tâche aux investisseurs.

Donc, si l’on suit bien votre explication, l’appel d’offres lancé par la CREG ne souffre pas d’un manque d’intérêt pour le photovoltaïque chez les investisseurs, mais plutôt d’une offre mal ficelée techniquement…
Absolument ! On peut même entrer dans le site de la CREG pour constater qu’il a eu sept modifications dans le cahier des charges pour un soi-disant souci de transparence. Mais en vain…
Mais en juin dernier, lorsque sur les 93 opérateurs ayant préalablement retiré ce cahier des charges, seulement 7 étaient présents à la séance des soumissions, le directeur de la CREG avait justifié ce manque d’engouement par le manque d’expérience des investisseurs algériens dans le domaine des énergies renouvelables, notamment dans le suivi administratif…
Moi, je répète que le principal problème réside dans le volet technique du cahier des charges. Il y a incompétence technique dans la gestion de ce dossier. L’investisseur est dérouté.

La CREG annonce toutefois un nouvel appel d’offres pour la mi-2020. Peut-être que d’ici là, la situation aura évolué de sorte à convaincre cet investisseur ?
Moi, j’en doute. Si vous entrez dans le site de la CREG vous aurez un aperçu complet et transparent sur le déroulement de l’opération 150 mégawatts. Et lorsqu’on observe le volet technique qui conditionne les soumissions, on remarque que le gestionnaire se base sur un process qui fait fi des nouveautés en matière de photovoltaïque. C’est dire qu’à ce seul niveau, les choses n’ont pas du tout évolué depuis de nombreuses années. Je ne vois pas donc comment elles vont évoluer en quelques mois. Ce sont mes propres déductions, mais j’estime que ce n’est pas en six ou sept mois, ni en une année que la situation va se débloquer. Nous retirons les mêmes remarques depuis huit ans au moins pour essayer de clarifier la situation et désigner les lacunes, mais les gens veulent rester dans le process qu’ils maîtrisent au détriment de l’évolution technologique.

Contrairement aux opérateurs nationaux, dont la majorité n’est pas au domaine, les étrangers, qui sont autorisés à s’associer à un partenaire algérien pour investir dans le photovoltaïque, peuvent-ils de leur côté avoir l’expérience nécessaire pour contourner toutes ces contraintes que dresse le cahier des charges ?
Rassurez-vous, un étranger sait bien faire ses calculs avant de s’engager dans un projet. Les lacunes du cahier des charges sont connues par tout le monde et l’investisseur étranger. Je vous rappelle que ce qui a été réalisé à ce jour a été en grande partie l’œuvre d’un opérateur chinois.

Dans quelques-unes de vos interventions publiques, vous n’hésitez pas à remettre en cause la Sonelgaz, l’accusant de centraliser la gestion, la production et la distribution de l’électricité. Vous considérez qu’il s’agit d’une entrave majeure au développement et à l’intégration de l’électricité renouvelable au réseau national. Qu’est-ce que préconisez dans ce sens ?
Exactement. Comme je l’ai déjà dit, il est impératif de libérer les initiatives des privés et des particuliers et d’instaurer plus de flexibilité dans la production et la gestion de l’électricité.
Il faut développer le réseau électrique national pour pouvoir supporter toutes les quantités d’électricité produites à travers les énergies renouvelables. L’Algérie s’est focalisée sur des projets nationaux majeurs, en négligeant la contribution des petits clients résidentiels qui peuvent constituer une véritable alternative de production de l’électricité.

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