Evénement à Constantine ! Le premier bivouac depuis l’indépendance a enfin été organisé dans la réserve biologique de Djebel Ouahch.
Un léger vent froid soufflait sur la forêt de Djebel Ouahch, en fin de journée de ce jeudi 24 octobre, après une semaine d’un été indien. A 10 km au nord de la ville de Constantine, sur le chemin menant vers les lacs de la forêt, des jeunes s’adonnaient à leur passion, le footing. Les lieux attirent de nombreux adeptes de ce sport. Non loin, des familles profitent du calme pour passer des moments de détente près du lac, situé à proximité du grand parking. Nous prenons la direction ouest, sur une route bitumée d’une centaine de mètres, mais fermée aux véhicules.
Un chemin qui se termine par une vue magnifique sur le quatrième lac, entouré d’une forêt luxuriante. Amar Bekka, un randonneur averti et passionné des escapades dans la nature, est le premier à nous recevoir à l’entrée d’un bivouac installé au milieu des chênes verts et des frênes, à quelques encablures du lac. Une ambiance juvénile y règne. Il est encore 17h. Déjà, à peine une heure avant le coucher du soleil, qui envoyait ses dernières lueurs derrière la montagne, une dizaine de tentes ont été dressées. Des jeunes s’affairent à préparer le feu de camp sur les airs de la musique.
Un camion rempli de bois annonce son arrivée. On est en pleine action. «Nous avons décidé d’installer ce bivouac durant le week-end en prévision d’une grande opération de dépollution de la forêt de Djebel Ouahch, qui sera suivie d’une campagne de reboisement coïncidant avec la journée nationale de l’arbre», annonce Amar, qui donne des instructions pour les jeunes. Des randonneurs apparaissent au loin.
On les reconnaît grâce à leurs sacs à dos volumineux. «C’est une action d’envergure lancée suite à une initiative d’un groupe de randonneurs constantinois qui a décidé de faire de cet événement une belle rencontre d’échanges, de connaissances et de découvertes pour tous les amoureux de la nature qui militent pour la protection de l’environnement», poursuit Amar. D’autres participants à ce bivouac arrivent. On s’attend à près de 400 présents. Le soir, les débats s’animent autour du feu de camp, après le dîner pris en groupe, dans une ambiance conviviale. Chacun apporte sa contribution pour cette opération inédite. Les organisateurs, qui ne veulent rien laisser au hasard, ont décidé d’en faire aussi un rendez-vous ouvert à toutes les idées.
Une question de «nif»
L’événement préparé avec la contribution de la Conservation des forêts de la wilaya de Constantine, de la direction de l’environnement, de l’Office des établissements des jeunes (ODEJ), de l’Association pour la protection du consommateur (Apoce) et le concours de la Protection civile, a connu, outre l’apport des participants locaux, la présence de randonneurs venus de Khenchela, Skikda, Guelma, Annaba, Batna, mais aussi d’Alger, de Bouira et même d’Oran et de Sidi Bel Abbès. Ce qui lui a donné une dimension nationale. Une fierté pour les organisateurs.
Rencontré sur les lieux, alors qu’il prenait part avec passion à la préparation du bivouac, le très connu Abderrachid Aribi, randonneur qui roulé sa bosse dans plusieurs contrées, a insisté sur le caractère spécial de ce rendez-vous. « C’est un évènement historique à Constantine, car il s’agit du premier bivouac organisé depuis l’indépendance dans la réserve biologique de Djebel Ouahch.
Il faut le dire. Après avoir pris part à des bivouacs organisés dans plusieurs wilayas, nous nous sommes vraiment bagarrés pour tenir notre bivouac dans une ville qui abrite cette magnifique forêt. Nous n’avons pas pu le faire par le passé pour des raisons bureaucratiques. Mais cette fois, c’était farouchement acquis. C’est pour cela, je le dis encore que c’est pour une question de nif que 15 clubs et associations de la ville de Constantine se sont réunis pour atteindre cet objectif», dira-t-il, avec engouement et beaucoup d’enthousiasme.
Dépollution de la forêt
Si la forte mobilisation était bien au rendez-vous, le mauvais temps était aussi de la partie. Durant toute la journée de vendredi, il pleuvait à flots sur la région de Constantine. Des aléas qui n’ont guère découragé les jeunes décidés à passer à l’action après avoir achevé la phase de délimitation et de piquetage des surfaces à reboiser. Sans aucune subvention, les randonneurs locaux n’ont pas lésiné sur les moyens pour la réussite de ce bivouac.
«Par nos propres moyens, nous avons acquis 450 sacs poubelles, 240 paires de gants et 4320 arbustes de cèdre, de pins d’Alep et de frêne que nous comptons planter sur l’étendue située près du 4e lac», soutient Amar Bekka. L’éclaircie qui a marqué la journée de samedi a été vraiment salutaire. Rejoints par des citoyens, tous les bénévoles se sont lancés dans une longue file indienne pour ramasser toutes sortes de déchets qui polluent une nature fragile. «Nous œuvrons surtout à sensibiliser les gens pour apprendre les bons gestes, car l’incivisme demeure le point noir chez bon nombre de visiteurs», regrette Abderrachid Aribi.
Ce dernier rappelle encore la fameuse loi 84/12, devenue obsolète, qui impose une amende de 20 centimes aux éleveurs indélicats qui laissent leurs troupeaux paître dans la forêt. En quelques heures, 150 sacs ont été remplis, alors que la mission n’était pas encore terminée, même après la plantation de 400 arbustes. Ces derniers seront entretenus et suivis grâce à une rotation de plusieurs groupes chaque semaine sur le site.
«Ce n’est qu’un premier pas dans une opération qui se poursuivra jusqu’au mois de mars prochain, avec le but de rassembler encore beaucoup de monde parmi les écoliers, les lycéens, les étudiants, les scouts, et toutes les couches de la société autour de cette noble mission de faire aimer et protéger la nature contre les voleurs de bois, les pyromanes et les pâturages anarchiques», poursuit Abderrachid. Ce dernier ne manquera pas de lancer un appel aux autorités pour leur faciliter la tâche. «Nous projetons la création d’une coordination pour réunir les associations de protection de l’environnement et nous demandons aux autorités de la wilaya de nous accorder notre agrément pour pouvoir mener à bien notre mission», conclut-il.
El Watan