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Abdallah Khellaf, Directeur de recherche au CDER : «L’Algérie compte dans le marché de l’hydrogène vert»

Directeur de recherche hydrogène renouvelable au Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), Abdallah Khellaf souligne que l’Algérie vise à établir un «hub» pour la production et l’exportation de l’hydrogène comme objectif principal, à travers sa stratégie, et met en avant les efforts pour renforcer la sécurité énergétique, réduire la consommation locale des hydrocarbures et diversifier le mix énergétique.

El Moudjahid : Qu’est-ce qui motive le regain d’intérêt pour l’hydrogène en tant que solution énergétique ?

Abdallah Khellaf : L’intérêt pour l’hydrogène en tant que vecteur énergétique et carburant alternatif remonte à quelques décennies. Cependant, avec l’avènement de la transition énergétique et la volonté de réduire l’empreinte carbone des différents secteurs économiques, l’hydrogène a connu un nouvel élan d’intérêt. Le rôle de l’hydrogène s’est alors élargi. En plus d’être développé comme agent énergétique, qui peut être utilisé comme alternatif ou substitut aux énergies conventionnelles et comme produit chimique entrant comme matière premières dans divers procédés industriels, l’hydrogène est considéré comme solution à des défis soulevés dans d’autres secteurs. Il est considéré dans la transition énergétique et l’introduction massive des énergies renouvelables comme solution aux défis de stabilité et d’équilibre. Pour les réseaux intelligents et les mini-réseaux, l’hydrogène offre une solution de gestion du réseau. Pour le changement climatique et la volonté de réduire l’empreinte carbone, il propose des solutions de décarbonisation aux procédés difficiles à décarboner. L’hydrogène est considéré comme l’ultime carburant sans carbone. De ce fait, il peut être utilisé en tant que vecteur énergétique ou carburant alternatif, à l’instar les énergies renouvelables, comme alternatif ou substitut aux énergies conventionnelles dans tous les secteurs.

Quels sont les avantages de l’utilisation de l’hydrogène vert en Algérie ?

Son utilisation va permettre à l’Algérie de réduire les empreintes carbones des différents secteurs, tels que les transports et l’énergie, et de fournir la matière première aux secteurs de l’industrie, tels que la pétrochimie et l’agroalimentaire. En clair, c’est réussir sa transition énergétique. Toutefois, l’hydrogène vert présente des avantages spécifiques. En effet, il est stockable et transportable sur de longue distance, ce qui facilitera à l’Algérie l’intégration du marché de l’hydrogène, qui s’annonce très prometteur au vu de la proximité des potentiels clients. Il faut savoir que notre pays a rejoint le mouvement de la transition énergétique. Il s’est engagé à travers son programme national des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique dans le développement de ses ressources énergétiques. Dans le cas de l’Algérie, ces ressources, comprenant principalement le solaire et l’éolienne, sont de caractère diffus et intermittent.De plus, dans le cadre de ce programme, l’Algérie ambitionne d’installer 11 GW d’ici 2035. Ceci implique une introduction massive des énergies renouvelables. Toutefois l’introduction massive des énergies renouvelable, avec l’émergence des systèmes distribués et des mini-réseaux et des réseaux intelligents, introduit des défis qu’il faut relever.

L’utilisation de cette forme d’énergie pourrait-elle être une réponse efficace pour relever les défis actuels ?

 Effectivement, l’hydrogène peut relever ces challenges. Utilisé comme élément tampon, il peut dissocier la production de l’hydrogène de sa distribution et sa consommation, assurant ainsi la stabilité du réseau. Utilisé comme élément de stockage, il permet non seulement un équilibre entre la production et la consommation, mais aussi, dans le cadre du concept Power-to-X, une intégration des secteurs. De ce fait l’hydrogène offre une solution élégante pour l’introduction massive des énergies renouvelables et, par là, le succès du programme national des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. L’hydrogène a aussi un autre attribut qu’on ne peut pas trouver dans les énergies renouvelables, c’est la décarbonisation des procédés difficile à décarboner. En effet, si les énergies renouvelables peuvent, comme l’hydrogène, réduire l’empreinte carbone de certains secteurs, tels que les secteurs du transport et de l’énergie, elles ne peuvent le faire pour les secteurs où le carbone est intégré dans le procédé.

Qu’en est-il de son potentiel à l’exportation ?

L’hydrogène connait un engouement international, sa demande explose. Certains pays ou/et régions cherchant les moyens de combler les besoins de leur secteurs en pleine croissance, tandis que d’autres voyant des opportunités de croissance économique à travers l’exportation de l’hydrogène, l’hydrogène devient alors le centre d’intérêt et un nombre croissant de pays ont élaboré, ou en cours d’élaboration de stratégies, des feuilles de route, des programmes et des projets de grande envergure pour le développement de la filière hydrogène.

Conscient des enjeux multiples de la filière hydrogène, le gouvernement algérien l’a consacré comme axe prioritaire. La feuille de route de l’Algérie ne mentionne pas l’hydrogène naturel et les possibilités de sa prospection. L’objectif phare est la mise en place d’un «hub» pour la production et l’exportation de l’hydrogène. Il y a aussi les objectifs de renforcement de la sécurité énergétique, de la réduction de la consommation locale des hydrocarbures et de la diversification du mix énergétique, objectifs nécessaires pour l’approvisionnement énergétique du marché national et international. L’objectif de l’accélération de la transition énergétique, condition sine qua non dans la réussite du programme nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétiques et de la production de l’hydrogène vert, est reporté.

Quelles actions sont envisagées dans la feuille de route du gouvernement pour atteindre ces objectifs ?

Il y a d’abord l’élaboration de textes règlementaires, de standards et normes adaptés et la mise en place d’un organisme chargé de la gestion de la filière hydrogène, action nécessaire pour une bonne gestion de la filière hydrogène. Ensuite, il y a les actions de renforcement des capacités et de l’intégration industrielle, nécessaires pour le fondement d’une économie d’hydrogène. Ensuite, il y a un mécanisme de financement et de mesures incitatives pour encourager les investissements dans la filière hydrogène. Il est à noter que, dans une première phase, des projets pilotes seront installés pour identifier les technologies les plus adaptées et les créneaux les plus porteurs. Pour accélérer le déploiement de la filière hydrogène et bénéficier des retours d’expériences, l’Algérie a inscrit ses actions dans le cadre des alliances stratégiques et des coopérations bilatérales et multilatérales, avec la constitution de partenariat stratégiques à long terme. En plus des acteurs locaux, la communauté algérienne à l’étranger est sollicitée pour participer à la réussite de la filière hydrogène.

À votre avis, sur quels éléments la promotion de l’hydrogène vert en Algérie repose-t-elle ?

Suivant la feuille de route algérienne pour le développement de la filière hydrogène, la promotion de l’utilisation de l’hydrogène, particulièrement vert, s’appuie sur la création progressive du marché de l’hydrogène. Dans ce sens, des applications de niches à développer en Algérie dans différents secteurs économiques ont été identifiées. Ces applications vont de l’utilisation de l’hydrogène en tant que matière première dans le raffinage et la pétrochimie, l’élaboration du verre, l’agroalimentaire et la génération d’électricité, à son utilisation en tant que carburant dans le transport en passant par son utilisation comme élément de décarbonisation dans la sidérurgie et la cimenterie.

Il est à noter que la feuille de route prévoit d’alimenter le marché international en hydrogène vert, tandis que le marché national sera alimenté, du moins dans un premier temps, par de l’hydrogène bleu. La création d’entreprises innovantes en effort propre ou en partenariat dans la filière hydrogène et le concept Power-to-X, plus particulièrement la filière hydrogène vert, est fortement encouragée. En plus des facilités administratives, les investissements dans la filière hydrogène sont considérés comme projets inscrits au régime des secteurs stratégiques et bénéficient de ce fait des avantages prévus au titre de l’article 27 du nouveau code de l’investissement adopté en 2022. Ces investissements peuvent, de plus, bénéficier de l’aide de l’état et des institutions intergouvernementales de coopération.

Quelles sont les opportunités de l’Algérie pour développer une économie de l’hydrogène ?

L’Algérie jouit d’un important potentiel renouvelable, particulièrement solaire et éolien, et de ressources suffisantes pour la production de l’hydrogène vert. En plus, elle est dotée d’infrastructures qui peuvent être restructurées pour le transport de l’hydrogène. Ceci offre l’opportunité de développer une économie d’hydrogène viable. De par sa proximité de l’Europe et son expérience dans le domaine de l’énergie, l’Algérie peut jouer un rôle de premier plan dans le marché de l’hydrogène vert. De plus, elle s’est dotée d’une feuille de route où les principaux défis à relever et les opportunités à saisir sont explicités.

Cette feuille de route fournit un plan d’action à mettre en œuvre pour la réussite du développement de la filière hydrogène. Une évaluation périodique et un ajustement, si nécessité, s’imposent et lui confèreraient une force et une flexibilité dans le développement de la filière hydrogène, particulièrement hydrogène vert.

El Moudjahid

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