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Alors que la direction nie le danger sur la vie des Constantinois :Un lanceur d’alerte met à nu l’irresponsabilité écologique de la SNTF

Constantine, comme ailleurs en Algérie, les citoyens encourent tous les jours des risques écologiques et des catastrophes mortelles à cause du non-respect des règles d’hygiène et de sécurité dans les unités industrielles.

L’affaire du dépôt ferroviaire, révélée voilà une semaine par un lanceur d’alerte sur les réseaux sociaux, a levé le voile sur ces potentiels explosions à la «Beyrouth» qui guettent les Constantinois.

Dans sa vidéo choc, Khaled Zebiri, cadre du département logistique de l’unité traction, de la SNTF à Constantine, a exhorté ses concitoyens à faire parvenir son cri aux hauts responsables «parce que la situation est dangereuse».

Dans la vidéo en question, Khaled nous guide à travers des tas de déchets industriels composés de filtres de gasoil, des filtres à huile par milliers, et des semelles de freins usagées en composite, déposés à l’air libre sous l’échangeur de Sidi Mabrouk sur les hauteurs de Constantine.

La zone est habitée. En plus du trafic dense sur le pont qui surplombe le dépôt, il se trouve à proximité une cité militaire et un groupement scolaire. Selon Khaled, il suffit qu’un automobiliste négligent jette son mégot de cigarette et cela provoque l’irréparable. Il nous montre aussi des dizaines de fûts remplis d’huile usagée, des matières cancérigènes, affirme-t-il.

«Ces matières sont déposées ici depuis plus de cinq ans. En ma qualité de responsable de l’unité, j’ai fait un écrit au directeur, resté sans écho», lance-t-il. Il nous montre une tuyauterie pour transporter le gasoil et des câbles électriques, des filtres en état de décomposition, et un poste d’électricité.

Ce cocktail explosif sous «le pont de la mort», est bien étudié, conclut le lanceur d’alerte. Sans ambages, il incrimine le directeur de l’unité tractation et ses collaborateurs. «Ce dépôt n’a pas connu d’incendie depuis 1940. Mais en 2017, il y a eu trois incendies. D’abord au service de remplissage du mazout, ensuite une voiture de voyageurs et enfin le service de huilerie qui a pris feu à 15 mètres des cuves contenant 600 000 litres de gasoil.

Comme si ce directeur et son équipe étaient venus pour mettre le feu à la société», souligne Khaled. Et de conclure par un appel désespéré et réprobateur à l’adresse des responsables : «J’ai eu le cancer dans cette société, comme d’autres collègues dont certains sont décédés et d’autres se soignent.

N’ai-je pas le droit de vivre normalement ma vie ? Où est la médecine de travail ? Où est l’Inspection de travail ? Elle n’a jamais effectué une visite d’inspection des conditions de travail. Où sont les contrôleurs de l’environnement ? Les associations ?»

Déni de la SNTF

En réaction à cette sortie qui a mis en colère l’opinion locale, la direction de la SNTF a choisi de nier totalement les propos de son cadre. Abderrazak Mekerbi, directeur central du matériel et de la traction, a démenti le fait que ces dépôts datent de cinq ans.

Dans une déclaration faite à nos confrères d’An Nasr et parue jeudi dernier, il assure que c’est seulement depuis le déclenchement de l’épidémie de Covid-19 que la levée des déchets est interrompue à cause du confinement sanitaire et l’incapacité de l’entreprise sous-traitant le traitement des déchets et basée à Annaba d’assumer sa mission.

Il a déclaré aussi que ces filtres «pouvaient être jetés normalement avant jusqu’à ce qu’ils soient classés récemment parmi les matières dangereuses par les organismes de protection de l’environnement, obligeant l’unité à attendre l’entreprise spécialisée pour se débarrasser des déchets».

En choisissant cette posture, la direction générale de la SNTF a clairement opté pour la non-transparence. Sinon, comment expliquer que ces déchets soient enlevés dans la précipitation juste après la publication de la vidéo ? Et comment expliquer que des instructions ont été données aux responsables locaux de faire le black-out face à la presse et de laisser Alger gérer la communication.

Il y a anguille sous roche, c’est le moins que l’on puisse dire. La direction centrale ne répond pas sur toutes les questions soulevées par la vidéo.

Elle nous ment aussi concernant le classement «récent» des filtres comme matières dangereuses, sinon comment expliquer l’amende de plus d’un milliard de centimes et l’incrimination du directeur régional qui a frôlé la prison dans une affaire similaire qui date de six ans ?

Lors de l’enquête effectuée la semaine dernière par des cadres de la direction de l’environnement de Constantine, le directeur de l’unité traction, tenu responsable de ce scandale, a plaidé l’impuissance de la SNTF à gérer ces déchets faute d’incinérateurs et l’impossibilité de respecter les lois à la lettre. A demi-mot, il reconnaît la faute. Une faute d’irresponsabilité qui aurait pu causer une catastrophe et emporter des vies.

El Watan

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