Dans les vastes salles climatisées d’un centre de conférence d’Abou Dhabi, les mots « transition écologique » sont dans toutes les bouches mais pour de nombreux pays du Golfe, l’énergie fossile a toujours de l’avenir, du moins à court terme.
Au Congrès mondial de l’énergie qui se déroule cette semaine, de nombreux cadres et responsables des pays du Golfe admettent qu’il est nécessaire de lutter contre le changement climatique et de passer aux énergies renouvelables. Mais, pour eux, les combustibles fossiles restent d’actualité, en tout cas pour les prochaines décennies.
La question a été au centre des débats de ce rassemblement dans la capitale des Emirats arabes unis, qui a vu de nombreux responsables appeler à réduire les émissions de carbone.
Les intervenants ont discuté de la place du nucléaire, de l’hydrogène et d’autres sources d’énergie non conventionnelles, au moment où les combustibles fossiles continuent de représenter plus des trois quarts de l’énergie consommée dans le monde.
Des délégués des pays producteurs de pétrole –en particulier ceux du Golfe–, ont fait valoir que les énergies nouvelles ne pouvaient à elles seules satisfaire la demande. « Pour les décennies à venir, le monde continuera de dépendre du pétrole et du gaz comme source d’énergie principale », a déclaré le patron d’Abu Dhabi Oil Co., Sultan al-Jaber. « Environ 11.000 milliards de dollars (10.000 milliards d’euros) d’investissements dans le pétrole et le gaz sont nécessaires pour répondre à la demande », au cours des deux prochaines décennies, a-t-il estimé lors de ce congrès qui a réuni des représentants de 150 pays et plus de 400 patrons d’entreprises.
En l’espace d’une décennie, la production des énergies renouvelables a quadruplé à l’échelle mondiale. Mais la demande totale en énergie, notamment de la part des pays en développement, a elle augmenté de 10%, selon un rapport de l’ONU publié la semaine dernière. « Toutes les transitions énergétiques, y compris celle-ci, prennent des décennies, avec de nombreux défis à relever », a souligné pour sa part le PDG du géant saoudien Aramco, Amin Nasser.
Ajoutant que son pays soutenait le développement des énergies alternatives, il a critiqué les politiques adoptées par de nombreux gouvernements qui ne respectent pas « la nécessité d’une transition ordonnée ».
Le pétrole contribue à au moins 70% des revenus dans les pays du Golfe qui ont investi des dizaines de milliards de dollars dans des projets d’énergie propre, principalement dans le solaire, et dans le nucléaire.
Dubaï a ainsi lancé le plus grand projet d’énergie solaire au monde, d’un coût de 13,6 milliards de dollars (12,3 milliards d’euros) et d’une capacité pouvant satisfaire un quart des besoins actuels de l’émirat, lorsque le projet sera opérationnel en 2030.
Mais les critiques disent que la dépendance au pétrole est difficile à abandonner, surtout lorsque les réserves sont abondantes et que les investissements dans les énergies nouvelles sont parfois perçus comme peu fructueux. « Il est économiquement, techniquement et technologiquement faisable de passer à l’échelle mondiale d’un combustible fossile sale à une énergie renouvelable. Il ne manque que la volonté politique », a plaidé Julien Jreissati, de l’ONG Greenpeace.
Alors que les Emirats arabes unis ont plusieurs plans d’action, l’Arabie saoudite est à la traîne « car ses projets restent lettre morte », a-t-il déclaré dans un courriel à l’AFP. « Il n’y a pas de doute que le monde laissera (un jour) le pétrole derrière lui. La seule question est de savoir quand », a insisté M. Jreissati.
Malgré les progrès technologiques, les énergies renouvelables ne représentent qu’environ 18% du bouquet énergétique mondial et le nucléaire 6%.
Au cours de la dernière décennie, l’éolien et le solaire se sont rapidement développés, le coût de production ayant chuté à des niveaux proches de ceux du pétrole et du gaz.
La conférence d’Abou Dhabi a vu des appels en faveur de l’innovation pour hâter la transition alors que le monde se prépare à un pic de la demande entre 2020 et 2025, selon le Conseil mondial de l’énergie.
La présidente estonienne Kersti Kaljulaid a plaidé quant à elle pour une politique mondiale en matière d’énergies nouvelles et « à mettre en pratique toutes les technologies vertes à l’échelle mondiale ». « Si cela se produit, nous pourrions devenir des consommateurs d’énergie sans CO2 dans cinq, dix ou vingt ans », a-t-elle assuré lors de la conférence.
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